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Yvane Jacob, journaliste, formée à Sciences Po. et à l'Institut français de la mode, présente sous forme d'enquête l'évolution du costume masculin et féminin, depuis le Moyen-Age jusqu'au XX° siècle en quatre chapitres. Projet d'autant plus ambitieux qu'au-delà de la simple apparence, le vêtement assume différentes fonctions selon le rang social, la région, la mode, le milieu, l'usage spécifique et surtout la différentiation des sexes. La question essentielle portant sur une éventuelle émancipation de la femme dans une société profondément machiste grâce à l'évolution du vêtement. Se basant sur des documents historiques : tableaux de maîtres, citations de spécialistes, situations sociales spécifiques, elle évoque le dress code de chacun des deux sexes, exigé parfois depuis l'enfance, toujours à l'avantage du corps masculin plus libre et avantageux, alors que celui du corps féminin entrave le mouvement parfois jusqu'à nuire à la santé, devient objet de séduction dans un but matrimonial et procréateur, flatte la beauté jusqu'à l'ériger en seule compétence féminine, voire est impudique jusqu'à inciter à la débauche. La guerre avec les hommes au front et les femmes assumant le quotidien concèdera un côté pratique et fonctionnel au vêtement féminin, l'urbanisation et le travail des femmes amorceront l'émancipation, l'industrialisation avec le prêt-à-porter, le paraître pour soi mais aussi pour la "réussite de leur mari", mais encore la dictature d'un physique svelte, jeune,sportif, séduisant. Et si Chanel a libéré des vertugadins, corsets, buscs et autres tortures baleinées la silhouette empesée de la femme, Yvane Jacob ne semble pas convaincue que le travestissement des femmes, c'est-à-dire l'appropriation du vestiaire masculin ou le port de la mini-jupe impose définitivement une victoire culturelle et citoyenne . Le combat est d'autant moins terminé que d'autres modes cultuellement plus "couvrantes" , nous "replongent dans des discussions séculaires". Le parti pris de l'écrivain est évident, l'orientation parfois un peu excessive bien que clairvoyante, la forme très actuelle, pop même matinée d'humour peut-être pour alléger la somme de détails précieux de sa recherche approfondie.

Petit texte de 91 pages dont le titre pourrait évoquer celui d'un certain philosophe allemand et le contenu évoqué, celui de la Mère courage d'un certain dramaturge, or il est une ode infiniment lucide et sensible d'un homme à sa mère au crépuscule de sa vie. Issu d'une fratrie de cinq garçons, orpheline de père très jeune, le -je- narrateur, et comment ne serait-il pas l'auteur lui-même pour s'exprimer avec autant de sincérité, se confie sur sa relation à la mère. La famille est d'origine marocaine, expatriée en Belgique, quatre des fils ont une vie indépendante, seul Rachid est resté célibataire, a poursuivi des études supérieures et enseigne les Lettres à l'Université catholique. Lorsqu'il écrit, il a 54 ans, sa mère 93 et tous les souvenirs, parfois résistants et toujours effectifs affleurent. Une mère analphabète, qui s'est usée aux ménages pour que ses fils aient une vie digne et qui demande inlassablement que ce fils qui vit à ses côtés comme une ombre , lui lise Peau de chagrin de Balzac. " Tu me lis mon Balzac" ? Et le questionnement se manifeste: pourquoi, comprend-t-elle, que trouve-telle dans le destin de Raphaël, sa passion pour Foedora, sa relation à l'argent, etc. ???? Les moments cocasses ( maillot de bain p. 70) ou surprenants succèdent à la gêne, à la non acceptation (la chanson populaire, les têtes couronnées) Les moments malaisés aussi avec cette mère qui ne sait pas s'exprimer en français, qui apprend par cœur des formules pour être visible dans certaines situations : devant les professeurs, lors d'un concours ou lors de rencontres même anodines ont provoqué la honte chez lui. Il mesure tardivement combien il n'a pas su voir sa bienveillance, son écoute de l'autre, l'aide apportée. Il n'a jamais imaginé ses rêves, ou tout simplement sa qualité de femme avant d'être mère. Le repentir est sans cesse latent mais il se traduit aussi par une dépendance totale et infiniment délicate (soins, toilette...) à cette mère. Il conclura :" Je ne sais pas si ma mère a été une bonne mère...Je sais juste que c'est la mienne. Et que la plus grande richesse en cette vie est d'avoir pu l'aimer". Émouvant, troublant, humain.

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